Hey les choupinous ! Aujourd'hui, je vais vous proposer un article assez différents de ceux habituels. Pour mon cours de "Littérature, histoire et société", j'ai du préparer un dossier sur un sujet ayant un rapport avec le roman Les Liaisons dangereuses de Pierre Choderlos de Laclos. J'ai donc pensé à vous
Joyeux Noël un peu en avance les choupinous ! =^_^=
Avis rapide d'Emi-chan : 8,5/10 ♥♥
Dangerous Liaisons est une adaptation étonnement très fidèle du roman de Laclos. Il n'y a que la fin qui change complètement mais cela n'est pas dérangeant puisque ça permet d'apporter une touche de
En ce qui concerne la réalisation, je l'ai trouvé soignée bien que quelques plans m'aient semblé un peu bizarre (certains gros plans excessifs , des enchaînements parfois trop saccadés , des décors au rendu un peu "cheap" par moments) . Mais j'ai adoré certains passages (l'enchaînement rapide de scènes où Mo répond au téléphone ; l'explosion de ses sentiments lorsqu'elle reçoit la robe de Yi Fan ...) et la présence significative de miroirs tout au long du film . J'ai également beaucoup aimé l'OST; les musiques accompagnent bien les différentes scènes et la chanson des crédits est juste sublime. Et puis j'ai trouvé les décors de la ville vraiment superbes.
Même si le scénario vire dans le drame romantique vers la fin du film, cela ne m'a pas dérangé par ce que j'ai trouvé ça bien fait
Conclusion : le livre de Laclos m'a passionné ; cette adaptation en film m'a séduite . Du coup... bah je vous conseille les deux les choupinous ! XD
Et maintenant place à mon
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Présentation
Dangerous
Liaisons (également nommé Wei xian guan xi ainsi que Woheomhan
Gwangye) est un film d'une durée d'une heure quarante-six réalisé
par le Sud-coréen Heo Jin Ho. Cette adaptation sino-coréenne du
livre Les liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos nous
plonge dans le Shanghai des années 30 , période flamboyante où
l'argent coule à flot dans les clubs jazzy mais qui vient également
de connaître une famine dans le Gansu ainsi que l’incident de
Mukden (18 septembre 1931) et donc l'envahissement du Nord de la
Chine par le Kantôgun (armée japonaise du Guandong). C'est dans ce
contexte complexe que nous découvrons Xie Yi Fan (équivalent de
Valmont dans le livre de Laclos et interprété par le talentueux
Jang Dong Gun) et Madame Mo (Madame de Merteuil / Cecilia Cheung)
deux amis à la relation très ambiguë qui décident de se livrer à
un pari risqué qui peut se résumer en cela : si Yi Fan parvient à
séduire sa cousine éloignée Fenyu (Madame de Tourvel / Zhang Zi
Yi) Madame Mo cédera alors à ses avances. Mais la tâche est loin
d'être facile car Fenyu à beau être veuve, elle ne parvient
pourtant pas à oublier son mari. En parallèle de ce triangle
amoureux, nous suivons également l'histoire d'amour naissante entre
la jeune Bei Bei âgé de seize ans (Cécile / Wang Yi Jin) et son
professeur de dessin, Dai (Danceny / Shawn Dou). Obstacle de taille à
cette histoire: Madame Zhu , la mère de Bei Bei (Madame de Volange /
Rong Rong), voit d'un très mauvais œil le fait que sa fille
s'entiche d'un jeune homme sans fortune et sans gloire. De plus, elle
a déjà organisé un mariage entre sa fille et Jin Zhi Huan
(Monsieur de Gercourt / Hans Zhang). Ce dernier entretenait jusqu'ici
une liaison secrète avec Madame Mo, il y met alors un terme , ce qui
ne plaît évidemment pas à la principale intéressée. Madame Mo
décide donc de mettre au point un plan pour se venger de son ancien
amant: puisqu'il veut à tout prix se marier avec une fille vierge,
elle demande à Yi Fan de déflorer la jeune demoiselle en secret
pour que son futur mari ne s'en rende compte que trop tard et
devienne ainsi fou de honte et de colère. Démarre alors un long et
dangereux jeu de séduction placé sous le signe du mensonge durant
lequel Madame Mo et Yi Fan mettront tout en œuvre pour parvenir à
leurs fins tout en gardant intact leurs masques d'hypocrisie et leurs
réputations respectives mais finiront par se brûler les ailes à
cause de leur orgueil.
Scène
d'exposition
Pour
commencer, je pense qu'il est intéressant d'analyser ce que
j'appellerai la "scène d'exposition", c'est à dire
l'ensemble des scènes qui se trouvent avant l'apparition du titre du
film à l'écran, car elle est représentative du reste du film.
Dangerous
Liaisons s'ouvre sur l'image de Yi Fan se faisant boutonner la
chemise (ce qui indique directement sa classe sociale relativement
élevée) puis enlacer par une jeune femme amoureuse alors qu'une
autre est encore nue dans son lit. S'en suit alors, sur fond jazzie,
un crêpage de chignon entre les demoiselles durant lequel on
comprend que Yi Fan est un playboy qui n’hésite pas à se moquer
ouvertement de ses conquêtes. Contre toutes attentes, il s'en sort
indemne (pas de gifle, pas d'insulte) et la musique qui accompagne la
scène donne même une impression positive de lui: il ne ressemble
pas à un sal**d mais plutôt à un séducteur charismatique.
Mais
Yi Fan ne s’arrête pas là puisqu'à peine sorti de sa chambre (où
deux femmes se battent toujours pour lui), il tente un rapprochement
avec la réservée Fenyu qui tremble de tout son corps à la vue même
du séducteur et qui se cache, se protège, derrière la propriétaire
des lieux (on remarque donc directement la timidité excessive de
Fenyu, et sa peur de Yi Fan nous laisse imaginer la réputation
publique que ce dernier doit avoir.) . On entend alors les pleurs de
la première femme et on voit la seconde faire irruption dans le
salon, en colère et surtout presque nue. Fenyu assiste à toute la
scène, elle sait donc dès le début du film que les rumeurs disent
vrai: Yi Fan est bien un homme frivole qui fait souffrir les filles.
Quatrième
minute du film: Madame Mo fait son apparition. Elle paraît
directement classieuse, riche, importante (on lui accorde une
interview, un photoshoot). Son visage se décompose lorsqu'elle
découvre par hasard dans le journal une annonce de mariage (le
premier élément perturbateur est donc annoncé grâce à l'écriture
et la lecture).
Valmont
découvre lui aussi cette nouvelle dans le journal (à 5min) mais
cela semble l'amuser contrairement à Madame Mo. Il est assis dans
son fauteuil tel un seigneur, il se fait limer les ongles par une
jeune femme et le ton avec lequel il lui parle est mi menaçant mi
séducteur (on découvre donc une autre facette de lui, plus cruelle,
arrogante, effrayante, moins sympathique).
D'un
gros plan sur Yi Fan, on passe à un plan plus large (à 6min); le
champ de la caméra s’agrandit pour laisser apparaître, au premier
plan, en face de Yi Fan, le corps d'une femme nue allongée dans son
lit. Le titre du film "Dangerous Liaisons" apparaît alors
auprès de ce corps sans visage, sans identité.
Cette
scène d'ouverture nous en apprend beaucoup sur le film que nous nous
apprêtons à regarder (et donc sur les thèmes que nous allons
aborder dans cet exposé). On remarque que la trame de l’œuvre
originale semble avoir été respectée mais également que le ton de
l'histoire semble quelque peu différent. Si Laclos a choisit de
démarrer son œuvre par une lettre de Cécile pour montrer que sa
chute était inévitable, on peut se demander si Heo Jin Ho décide
de démarrer son film par une scène de Yi Fan car il compte en faire
le héros de l'histoire. Quant à la réaction de Madame Mo devant le
journal, elle laisse présager une intrigue tournant autour de la
vengeance, la jalousie, l'orgueil; et la rencontre entre Yi Fan et
Fenyu une intrigue romantique et dramatique.
Ce
qui n'est pas présent dans cette exposition nous en apprend
également beaucoup. Dai et Bei Bei ne sont pas montrés et cela nous
laisse penser que leur histoire aura donc moins de place que celle de
Danceny et Cécile. Le film sera donc très certainement concentré
autour du triangle amoureux Yi Fan/Madame Mo/Fenyu et autour des
idées de vengeances de Madame Mo.
Pour
aller plus loin, on peut également regarder les deux minutes qui
suivent l'introduction du titre du film à l'écran. A 6min25, on
découvre les très beaux décors ruraux du Shanghaî des années 30
et les soirées luxueuses (à 6min44) qui rassemblent l'élite
sociale... et qui créent un énorme contraste avec les enfants qui
meurt de faim dans la rue (on devine donc qu'une critique sociétale
va venir se glisser dans ce film). Dans cette scène, on peut
également remarquer que si Fenyu semble choquée et attristée de
voir ses enfants pauvres, Yi Fan lui ne semble pas du tout s'en
formaliser.
Des
trames similaires...
Les
liaisons dangereuses de Choderlos de Laclos se déroule dans une
France pré-révolutionnaire; Dangerous Liaisons, lui, dans la Chine
pré-communiste. On aurait donc pu s'attendre à ce que cette
adaptation soit très éloignée de l’œuvre originale et pourtant
c'est bien le contraire. En effet, la trame de l'histoire est suivie
avec soin, exceptée pour la fin (mais nous reviendrons sur ce point
plus tard).
On
retrouve donc des scènes très similaires entre les deux versions,
en particulier la fameuse scène de la "prostituée pupitre"
que l'on peut voir à la cinquante-deuxième minute du film; un gros
plan est tout d'abord fait sur l'écriture de la lettre d'amour de
Fan à Fenyu ce qui pourrait laisser penser que cette lettre est
importante, que ces mots sont sincères, mais la caméra s’éloigne
ensuite, laissant apparaître la terrible vérité: Yi Fan écrit
cette lettre sur le corps nu d'une de ses amantes, ses mots nous
paraissent donc immédiatement beaucoup plus mensongers.
A
26min, on peut voir que, tout comme dans le livre, Madame Zhu confie
ses inquiétudes et demande conseil à la mauvaise personne: Madame
Mo, qui en profite pour proposer d'aider Bei Bei mais en affichant un
sourire machiavélique qui nous indique qu'elle ne fait évidemment
pas ça par charité, De la même manière, à 43min50 Madame Mo
dévoile le secret de Bei Bei: son amour pour Dai dont la preuve est
ici un dessin de nu et non une lettre comme dans le livre (mais le
principe reste le même). L'art (et plus précisément le dessin) est
un thème récurrent dans ce film. Les cours de dessins que Dai donne
à Bei Bei (18min12) son prétexte à leur rapprochement et les
livres d'art leur permettent d'échanger des lettres (tout comme
l'étui à harpe des Liaisons Dangereuses). Si la personnalité de
Madame Zhu ressemble beaucoup à celle de Madame de Volange, c'est
également le cas Bei Bei et Cécile. Lors de la scène du "vol"
de clé qui permet à Bei Bei de s'arranger pour que Dai reste
quelques minutes de plus chez elle (à 19min07) on voit bien qu'elle
est immature; ses expressions faciales et sa façon de manger des
litchis comme des bonbons renforcent l'impression que l'on a de voir
une petite fille faire un caprice. S'ensuit alors un jeu du chat et
de la souris très enfantin et malicieux pour récupérer les clés...
alors que Madame Zhu est assise à quelques mètres d'eux, ce qui
montre bien qu'elle ne voit pas ce qui ce passe sous le bout de son
nez (tout comme elle ne voit pas le vrai visage de Madame Mo)
contrairement à Mo qui comprend directement ce qu'il se passe (à
19min55) lorsqu'elle voit la lettre tombée du livre (d'ailleurs le
fait qu'elle s’intéresse au lieu où Dai étudie laisse pressentir
qu'elle va chercher à le retrouver pour se servir de lui dans sa
vengeance).
Dans
les scènes précédemment citées, on peut voir que l'écriture est
présente et rappelle le roman épistolaire. C'est également le cas
lors de l'écriture de la lettre de vengeance de Madame Mo adressé à
Dai (à 1H30) dans laquelle elle lui révèle que Bei Bei a été
déflorée par Yi Fan et l'incite à aller voir son futur mari (ce
qui ironiquement créera son propre chagrin à la fin du film
lorsqu'elle recevra la robe de Yi Fan trop tard, à 1H39).
On
la vue, la toute première lettre à apparaître et celle que Dai
glisse dans le livre de Bei Bei mais, avant cela, on peut voir
l'apparition de matériel d'écriture (papier, ciseau, fil, plume,
encre...) dont Fenyu se sert délicatement pour créer des cahiers
d'exercices (que l'on retrouve dans la toute dernière scène du
film, à 1H40.50).
A
49min, c'est la première lettre d'amour de Yi Fan à Fengyu que l'on
découvre. Yi Fan la dépose directement dans les bras de Fenyu et,
comme cette dernière lui rend sans l'ouvrir, il finit par lui lire à
travers la porte de sa chambre et par user de malice (en invoquant le
nom de sa tante qui pourrait les surprendre) pour l'obliger à sortir
et le regarder en face faire sa déclaration. Tout comme dans le
livre, elle déchire la lettre et il l'accuse d'être trop cruelle.
Elle lui dit que ce n'est pas que ce soit mal (car, comme on
l'apprend à 11min50, à la différence de Madame de Tourvel, son
mari est mort, elle n'a donc pas à avoir peur de le tromper) mais
c'est qu'elle a entendu dire qu'il disait cela à toutes les filles.
Ici elle se contredit donc (puisqu'elle avait dit ne pas écouter les
rumeurs) et Yi Fan lui fait remarquer. En apprenant qu'une personne
médit sur son compte, ce dernier laisse échapper un sourire cruel
(on s'attend donc à des représailles) mais il remet rapidement son
masque d'hypocrisie pour jouer les martyrs de l'amour qui se
sacrifient pour le bonheur de leur douce. En repartant, il essuie ses
larmes de crocodile et affiche un sourire satisfait, à la différence
de Fenyu qui verse de véritable larmes pour lui; Fenyu semble donc
gagner ce round durant un instant mais c'est bien Yi Fan qui maîtrise
le jeu.
On
peut mettre cette scène en parallèle avec une autre qui débute à
1H02 lorsque Yi Fan ouvre en cachette le secrétaire de Fenyu (tout
comme Valmont) et y trouve les lettres déchirée qu'elle a récupéré
et gardé avec soin dans un lieu secret, intime, ici violé par Yi
Fan qui affiche un sourire satisfait; Fenyu le surprend et fuit dans
une serre en sachant que ses sentiments sont révélés au grand
jour. Yi Fan la rejoint (à 1H03) et débute alors une scène de
chasse entre lui et Fenyu, entre le prédateur et sa proie. Il la
coince, elle tremble mais fini par arrêter de se défendre, il a
gagné, va l'embrasser (à 1H05), mais lorsqu'il voit une larme
couler sur sa joue il décide de l'épargner. Elle reste tremblante,
sous le choc, et lui part le visage sombre. Cette fois il semble
sincèrement prit de remords. Cependant, à 1H08, la scène s'ouvre
sur son sourire fier et satisfait alors qu'il avance à grands pas
vers Madame Mo (en outrepassant l'employée de maison, en
franchissant toutes les convenances) pour lui demander sa récompense
puisqu'il a gagné leur pari. La propriétaire des lieux ne le
laissant pas entrer, il tente de forcer le chemin et aperçoit
rapidement une chemise d'homme (voyeurisme partagé avec le
spectateur puisqu'on apprend au même moment que Madame Mo a un
amant; on retrouve d'ailleurs cet aspect voyeuriste qui rappelle les
libertins du roman à 16min50 lorsque Yi Fan observe Fenyu à travers
une longue vue ou encore à 1H01 lorsque Fenyu surprend une
discussion en écoutant aux portes). Yi Fan semble alors perdre son
sourire, semble être jaloux. Un peu plus tard (à 1H10.43), il
raconte comment il a conquit Fenyu et Madame Mo rit...jusqu'à ce
qu'il avoue la trouver différente, spéciale, au point de lui avoir
presque dit "je t'aime", elle perd alors son sourire
(jalousie? orgueil?) et le met au défi de rompre avec sa conquête,
sans quoi il n'aura pas sa récompense. Il aborde alors le sujet de
"l'homme à la chemise" et elle annonce de façon
désinvolte qu'elle le jettera une fois qu'il aura écarté Fenyu.
On
peut donc observer que, tout comme dans le roman de Laclos, les
relations entre les personnages sont particulièrement ambiguës. Et
c'est encore le cas dans les situations suivantes:
Lors
du lancement du pari (à 14min50) on peut sentir une pointe de
jalousie de la part de Madame Mo suivie des flatteries de Yi Fan qui
lui dit qu'elle est une exception. On sent donc dès le début que
leur relation est ambiguë; et l'alchimie entre les deux acteurs ne
fait qu'augmenter cela.
Lorsque
Madame Mo demande à Yi Fan si il est amoureux de Fengyu (à 54min)
il lui répond que c'est elle son seul amour; pourtant elle ne semble
pas l'écouter (parce qu'elle sait qu'il ment? parce qu'elle s'en
moque?) et lui rappelle que tomber amoureux c'est perdre.
De
même lorsque Yi Fan semble avouer la supériorité de Madame Mo (à
24min), elle n'y fait pas tellement attention. Elle raconte que dans
un monde d'hommes on ne peut pas faire autrement que de porter un
masque pour survivre, ce à quoi il lui répond qu'elle peut être
elle même avec lui. Aider par la musique de fond, l'ambiance devient
romantique, sexy, mais Madame Mo lui répond seulement qu'il est doué
en riant (on peut donc se dire qu'elle voit clair dans son jeu et
donc qu'il ment). Une nouvelle fois leur relation semble plus
qu’ambiguë et la musique mystérieuse ne fait qu'amplifier cela.
La
relation entre Yi Fan et Fenyu est également trouble. Lors de la
scène de piscine (à 47min) Yi Fan l'interroge sur sa vie, semble
vouloir la connaître, mais une minute plus tard il lui dit qu'elle
doit faire son deuil et jette cruellement le livre que son mari lui a
dédicacé dans l'eau. Fenyu se retrouve alors à essayer
désespérément de rattraper son livre (mais ne va quand même pas
jusqu'à se mouiller en plongeant dans l'eau...)
A
42min12, Yi Fan l'observe en train de dormir et rajoute gaiement des
bulles au dessin de train sur les cahiers d'exercices qu'elle
fabrique. Fenyu se réveille mais fait semblant de se rendormir un
petit sourire aux lèvres (on comprend qu'elle commence à craquer
pour lui). Quant à Yi Fan, une fois son dessin terminé, il part
avec un sourire malicieux. Cette scène semble enfantine et
romantique mais le sourire de Yi Fan montre qu'il a remarqué que
Fenyu l'observait; on peut donc se demander si ses actes de tendresse
son sincères ou s'il ne découlent que d'une tentative de séduction
pour parvenir à ses fins. Après tout, on le voit plus souvent
médisant dans son dos (à 23min50 il parle d'elle comme d'un oiseau
pris dans un piège) ou agissant tel un chasseur (à 33min il la
regarde s'endormir et les gros plans sur leurs visages donne l'image
d'un prédateur fixant sa proie).
Autre
scène importante entre ces deux personnages: à 20min40 Yi Fan
propose, dans un premier temps, son aide pour réparer la lampe qui
ne fonctionne pas chez Fenyu, avant de finalement se raviser en
invoquant sa mauvaise réputation. Comme Fenyu le raccompagne, il
rajoute à son discours une histoire de fantôme pour lui faire peur,
ce qui est un succès. Il gagne ce round à nouveau grâce à sa
malice et en profite pour jouer sur le fait qu'il fait trop sombre et
qu'elle doit se rapprocher de lui avec la lampe. Ainsi se déroule
leur tout premier rapprochement, dans une ambiance bonne enfant,
comique et romantique. Mais juste après (à 23min20) on voit Yi Fan
payer son employé et on comprend qu'il a tout manigancé; il repart
d’ailleurs très fier de lui.
Et
c'est loin d'être la seule fois où une scène de manipulation de ce
genre à lieu dans ce film (ainsi que dans l’œuvre originale
évidemment). Nous en avons déjà vu quelques unes jusqu'ici mais en
voici d'autres:
A
29min50, Yi Fan tâche volontairement le siège de sa voiture de luxe
pour pourvoir s’asseoir à l'arrière et être collé à Fenyu. Bon
d'accord c'est plutôt gentillet ça, mais après cela devient plus
machiavélique comme vous allez le voir:
Lors
de la scène au théâtre (à 32min), Bei Bei fait semblant d'être
malade sous les conseils de Madame Mo, qui en profite même pour
proposer son aide et se mettre Madame Zhu dans la poche. Grâce à sa
"gentille marraine", Bei Bei apprend donc à mentir pour
rejoindre Dai secrètement.
Mais
comme Madame Mo est également "l'amie" de Madame Zhu, elle
conseil à cette dernière de séparer les deux tourtereaux (à
53min) mais à pour but réel de faciliter le rapprochement entre Yi
Fan et Bei Bei. Madame Zhu la remercie sans se rendre compte qu'elle
se fait manipuler. C'est par ailleurs dans cette scène que Yi Fan
entend par hasard Madame Zhu dire qu'elle est la personne qui parle
en mal de lui à Fenyu (contrairement à Valmont, il ne violera donc
pas l'intimité de Fenyu/Tourvel en détournant son courrier).
L'une
des manipulations les plus monstrueuses se déroule également à
57min30: Bei Bei utilise le code secret pour rejoindre la chambre de
Yi Fan la nuit dans le but de téléphoner à Dai. Alors que les deux
amoureux pleurent leur peine commune d'être séparés, on peut
observer les réactions faciales de Madame Mo ennuyée et de Yi Fan
exaspéré par tant de niaiserie mais qui en profite tout de même
pour se rapprocher physiquement de Bei Bei. Il fini par prendre le
téléphone, couper la discussion et faire semblant que Dai lui
demande de serrer sa chère et tendre dans les bras. Il abuse ensuite
encore plus de la naïveté de Bei Bei en lui dénouant sa nuisette,
en lui chuchotant "je lui ai promis de te rendre heureuse",
et en passant à l'acte... le tout sur fond de musique sombre pour
accentuer le coté malfaisant.
Et
pour finir, il faut également parler du superbe enchaînement rapide
de scènes où l'on voit les réaction de Madame Mo durant trois
discussion au téléphone (à 1H). Ce passage se déroule le
lendemain de la défloraison de Bei Bei. Madame Mo reçoit tout
d'abord un appel au réveil de Yi Fan qui lui annonce la bonne
nouvelle, puis un de Bei Bei en pleure (Madame Mo est heureuse), et
enfin un de Madame Zhu inquiète pour sa fille (elle n'écoute même
pas, c'est trop bruyant), puis on voit ses réponses alors qu'elle
joue de son masque d’hypocrisie pour plaire à tous: remerciement à
Yi Fan, conseils pour Bei Bei et voix rassurante pour Madame Zhu. On
voit bien ici le bonheur ressenti par Madame Mo lors d'un match
gagné, d'un plan couronné de succès.
...mais
qui laissent des impressions différentes.
Même
si la trame du film est globalement très fidèle à celle du livre,
ce n'est pas pour autant que l'on ressent forcément les mêmes
sentiments à l'égard des personnages et de leur histoire. Nous
verrons en effet que par moments les personnalités de Madame Mo et
de Yi Fan diffèrent de celles de Madame de Merteuil et de Valmont.
Mais tout d’abord parlons des quelques scènes qui ne sont pas
tirées de l’histoire originale :
Dès
la première apparition de Bei Bei à l'écran (à 8min), sa mère
évoque son engagement avec Jin. De plus, l'annonce de mariage a
également été écrite dans le journal (elle est rendue publique)
et Bei Bei est donc certaine dès le début de devoir se marier
bientôt (au contraire de Cécile qui n'a entendu que des bruits de
couloir; Madame de Volange ne lui ayant pas annoncé officiellement).
Lorsque
Fenyu déménage, Yi Fan la retrouve très rapidement (à 1H07) et la
prend directement dans ses bras. Contrairement à Valmont il n'est
donc pas pris d'une colère intense et d'une envie de vengeance; il
ne ressent pas un sentiment de trahison. De plus, après cela à lieu
la scène la plus sensuelle et la plus démonstrative du film (sans
que se soit vulgaire pour autant, on ne montre pas de nudité
excessive, la caméra se concentre plutôt sur le visage de Fenyu):
Yi Fan et Fenyu s'embrassent passionnément. Cette dernière a l'air
tout à fait consentante et heureuse; on est donc assez loin de la
scène où Valmont marque sa victoire contre Madame de Tourvel (page
400. scène clairement qualifiée de viol dans la note de fin de page
p.314).
A
1H16.37, on apprend que Bei Bei est à l’hôpital (ce qui n'arrive
pas à Cécile). On n'aura d'ailleurs plus de nouvelle d'elle après
cette annonce et on ne saura pas comment son histoire avec Dai se
termine.
A
1H30.35, Jin, le futur mari de Bei Bei, fait une apparition (de dos,
sans que son visage sois montré, mais on entend tout de même sa
voix) alors que Gercourt retardera toujours son arrivée au point de
ne jamais faire de véritable apparition dans le roman (il envoie une
unique lettre p,355).
Mais
le plus gros changement de scénario à lieu à la fin (à 1H32):
tout commence avec un gros plan sur un rasoir (on reconnaît celui
utilisé par Fenyu pour raser tendrement la barbe de Yi Fan à 1H14).
On alterne ensuite rapidement entre des scènes où Yi Fan court pour
retrouver sa bien aimé et des scènes où cette dernière rapproche
dangereusement le rasoir de son poignée. Alors que la tension monte
quant à savoir si Yi Fan arrivera à temps pour la sauver, un coup
de feu retenti dans la foule. Une balle tombe au sol: on comprend que
Yi Fan va mourir; un rasoir non ensanglanté tombe au sol, on
comprend que Fenyu va survivre. Elle ne partage donc pas le destin
funeste de Madame de Tourvel. De plus, Dai s'enfuie après son crime
et, contrairement à Danceny, il ne reçoit donc pas les fameuses
lettres ensanglantées permettant d'incriminer Madame de Merteuil.
Ici, Madame Mo ne sera donc pas démasquée.
Au
final, on remarque que les seuls changements qui modifient de façon
importante l'histoire de Laclos se trouvent à la fin du film.
Cependant, et on l'a déjà dit plus haut, même lorsque la trame est
respectée, les personnages de Dangerous Liaisons nous laissent
parfois une impression différentes de leurs alter égo romanesques.
On peut notamment se poser quatre questions:
1)
Madame Mo: plus cruelle que Madame de Merteuil?
Lorsque
Bei Bei défile en robe de mariée devant un Dai subjugué par sa
beauté, Madame Mo lui rappelle qu'elle est fiancée ce qui le pousse
à partir et donne les larmes aux yeux à nos deux tourtereaux.
Madame Mo, elle, révèle seulement un petit rire hautain et cruel.
Juste
après cette scène, elle se livre à un interrogatoire de Bei Bei et
apparaît alors sévère, presque malfaisante même (à 28min15 elle
se regarde fièrement dans le miroir en repositionnant ses vêtements
face à Bei Bei assise, fragile, en position d’infériorité
certaine.) Elle incite ensuite la jeune fille à poser nu pour Dai et
ressemble cette fois à un démon (habillé de rouge) qui chuchote à
l'oreille d'une enfant (habillé de blanc crème). Elle la flatte,
lui caresse les épaules (ce qui rappel la relation ambiguë
qu'entretiennent Merteuil et Cécile). Tout se passe dans le reflet
du miroir, rappelant une nouvelle fois la notion de voyeurisme (et le
masque d'hypocrisie que porte Mo qui manipule évidemment Bei Bei).
Autre
passage: à 1H18, elle agit avec tendresse en prenant soin de Yi Fan
mais lorsqu'il se met à chuchoter le nom de Fenyu dans son sommeil
son regard se remplie de haine. Le lendemain (à 1H21.50), elle
réveil Yi Fan en s'allongeant sur lui. Il la voit, sourit, la prend
dans ses bras, elle lui annonce alors, un sourire cruel aux lèvres,
que "sa femme légitime" est là; il l'a rendu jalouse,
c'est l'heure de sa vengeance.
Madame
Mo se montre donc tout aussi manipulatrice que Madame de Merteuil.
Cependant, si elle peut peut être sembler la dépasser en matière
de cruauté vers la fin du film, ses actions semblent être le fruit
de son amour pour Yi Fan.
En
effet, lors de sa dernière scène (à 1H39), elle reçoit (trop
tard) la robe que Yi Fan avait fait faire sur mesure pour elle (en
prenant soin de choisir un joli blanc pure). Elle l'essaye, ne
supporte pas son reflet et repousse le miroir. On l'a voit alors
criant et pleurant de désespoir; on peut en conclure qu'elle aimait
réellement Yi Fan mais qu'elle ne lui a pas cédé par principe et
par orgueil.
De
plus, on peut voir qu'un cœur brisé peut changer une femme (et pas
seulement Madame Mo) et la rendre violente puisque Fenyu aussi
(pourtant très timide, sensible, voir léthargique) sous le coup de
la colère et de la tristesse détruit des objets (à 1H29).
2)Madame
Mo: moins bonne manipulatrice et moins sulfureuse que Madame de
Merteuil?
Si
on sait que Merteuil a eu de nombreux amants, on ne sait pas grand
chose de la vie sexuelle de Madame Mo. On la voit se laisser séduire
par un homme en même temps qu'elle lance des regards complices à Yi
Fan (à 6min44) et on apprend qu'elle a pris Dai comme amant mais,
excepté cela, on ne sait pas grand chose d'autre.
Quand
au fait qu'elle soit moins bonne manipulatrice, on peut citer deux
scènes en particulier: celle de l'opéra et celle du dessin de nu.
Dans le premier cas, Madame Zhu veut voir sa fille malade car elle
s'inquiète malgré les protestation de Madame Mo. Elle se comporte
comme si elle était supérieur à Mo (peut être parce que plus
âgée). Cette dernière n'est donc pas du tout maîtresse de la
situation; en fait c'est même l'arrivée inopinée de Yi Fan qui lui
offre une porte de sortie et la sauve (car il accepte de jouer le
jeu, il lui fait donc une faveur, il est supérieur à elle le temps
d'un instant ici). Et, en ce qui concerne le second cas, la servante
à qui elle avait demandé d’espionner Bei Bei (retour du thème du
voyeurisme) lui apprend que cette dernière n'est pas passée à
l'acte avec Dai. Le plan de Madame Mo a donc échouée.
Cependant,
on peut rappeler que, contrairement à celles de Merteuil, les
manipulations de Mo restent secrètent jusqu'au bout et qu'elle garde
donc sa réputation intacte.
3)
Yi Fan: moins maître de ses sentiments que Valmont?
C'est
ce que nous laissent penser ses actions en tout cas...
Il
outrepasse les convenances en entrant sans permission chez Madame Mo
pour la seconde fois dans ce film (à 1H15). Cette fois, il est
alcoolisé, ce qui est révélateur d'un moment de faiblesse et du
trouble que lui causent ses sentiments.
Second
exemple: à 1H25, lorsqu'il rompt avec Fenyu il lui dit que son cœur
appartient à une autre et se montre cruel. Cependant, lorsqu'elle
part (à 1H26), il semble vouloir pleurer. Après cela, il réclame
sa récompense à Madame Mo mais comme elle lui refuse il tente de la
prendre de force. Il ne contrôle visiblement plus du tout ses
émotions. Elle arrête de se débattre et pousse un rire monstrueux
qui semble écœuré Yi Fan. Il lui demande pourquoi elle fait ça,
elle répond "parce que tu l'aimes" (comme on l'a vu
précédemment: rien de plus effrayant qu'une femme jalouse!).
4)
Yi Fan: héro d'une romance tragique?
Tout
d'abord, on peut remarquer que la réputation de Yi Fan n'est pas
aussi terrible que celle de Valmont. En effet, Madame Mo se montre à
ses cotés en public (alors que l'amitié entre Valmont et Merteuil
est secrète): elle danse avec lui (à 14min), ils jouent au golf
ensemble (à 23min40), il se voient régulièrement au lieu de
s'échanger des lettres ou de se téléphoner. Cependant, on peut
tout de même nuancer cette théorie puisque Yi Fan parle lui même
de sa mauvaise réputation devant Fenyu (à 18min).
A
40min, Yi Fan sauve un jeune militant puis jette des prospectus
politiques dans la foule, ce qui l'oblige à fuir main dans la main
avec Fenyu... et lui donne un coté héroïque et romanesque.
Si
la relation entre Valmont et Tourvel reste assez ambiguë jusqu'au
bout, celle de Yi Fan et Fenyu ressemble totalement à une romance
dramatique.
Ils
vive un moment romantique (à 1H14) lors duquel Fenyu prend soin de
Yi Fan en lui rasant la barbe. Elle lui fait une déclaration
d'amour, il lui demande ce qu'elle ferait si il disparaissait
(remords? doute quant au fait de la faire souffrir pour un pari alors
qu'il l'apprécie?), elle lui répond en souriant qu'elle en mourrait
(ce qui au final s'avère faux puisqu'elle ne se suicide pas), il lui
dit les fameux mots "je t'aime". Yi Fan semble se laisser
dicter ses paroles par ses émotions, ses sentiments; il a l'air
véritablement amoureux ou au moins sincèrement attaché à elle.
Il
semble se rendre enfin compte de ses sentiments à 1H31. Il regarde
nostalgiquement les lumières qui lui avaient servi de prétexte pour
se rapprocher pour la première fois de Fenyu (à 20min40). Il se met
à courir pour aller la retrouver.
Ayant
reçu une balle en cours de chemin, il arrive affaibli et ensanglanté
devant la porte de Fenyu (à 1H33.20). Il lui parle à travers la
porte (comme lors de la lecture de sa première lettre mais cette
fois elle n'ouvrira pas la porte pour le voir, sûrement parce
qu'elle pense qu'il essaye encore de la manipuler. Quand on crie au
loup...). Il lui dit qu'il va sûrement mourir et elle lui répond
froidement qu'en effet la mort mettra peut être un terme à tout ça.
Il lui avoue tout de même ses sentiments, caresse la porte (à
1H35.55) comme si il tentait de la toucher une dernière fois. C'est
tragique et la musique qui accompagne la scène accentue cela. Il
fait pitié; le playboy avait donc un cœur finalement. On a envie de
pleurer, on compatit. Cela n'est-il pas une preuve que Yi Fan est
devenu le héro d'une histoire d'amour tragique?
Après
cela, il s'écroule dans la neige (parce que c'est plus joli et
poétique) et Fenyu en le voyant comprend enfin qu'il disait la
vérité. Il meurt dans ses bras, heureux de l'avoir revu une
dernière fois.
Un
an plus tard, on revoit Fenyu: elle n'est pas devenu "folle"
contrairement à Madame de Tourvel. Elle distribue les livres
d'exercices qu'elle a fabriqué aux enfants et, en dessinant les
bulles de fumée du train au tableau, elle repense à Yi Fan. Elle ne
l'a pas oublié et surtout il l'a rendu plus forte, plus
indépendante. Le film se termine sur une musique de crédits douce
et belle qui accompagne parfaitement les larmes qui coulent sur nos
joues...
Modernisation
et
objets récurrents
Nous
avons vu un peu plus haut que la lettre (et plus globalement
l'écriture et la lecture) est présente dans plusieurs scènes.
Cependant, elle n'a pas une place aussi importante que dans le roman
de Laclos. A 55min34, on peut voir que la calligraphie chinoise est
un art délicat puisque l'on montre la tante de Yi Fan écrire sur de
grandes toiles de papier tout en chantant et en étant accompagnée
de musique traditionnelle. C'est un véritable spectacle qui se
déroule sous nos yeux, ainsi que sous ceux des nombreux personnages
assis tout autour. Cependant, la caméra se concentre rapidement sur
les visage de Fenyu qui boit sereinement du thé avant d'être
troublée par l'apparition de Yi Fan. L'accent n'est donc pas mis sur
l'écriture mais sur les expressions faciales des personnages, sur
leurs émotions et leurs sentiments.
De
plus, les personnages se rencontrent régulièrement en personne; ils
n'ont pas besoin de communiquer par lettre pour pouvoir se parler et,
quand ils se retrouvent séparés, ils peuvent utiliser le téléphone
(modernisation de la lettre).
Madame
Mo se sert du téléphone pour dévoiler le secret de Bei Bei à sa
mère (à 43min50), Bei Bei et Dai l'utilisent pour communiquer
lorsqu'ils sont séparés (à 57min30) et il sert également d'excuse
à Madame Mo et Yi Fan pour que ce dernier arrive à déflorer la
jeune fille.
Et,
comme on l'a déjà vu, il permet aussi à Madame Mo d'entretenir ses
relations sociales, à Bei Bei et Madame Zhu de demander de l'aide et
à Yi Fan d'annoncer l'avancement de leurs plans à sa complice (à
1H).
En
matière de modernisation, on peut également noter les voitures que
l'on retrouve par exemple à 30min04 et qui montre bien la différence
de classe sociale entre la majorité des personnages et les enfants
pauvres qui courent dans les rues.
Il
est également important de relever la présence de miroirs, objets
narcissiques et révélateurs (et qui rappel le thème du voyeurisme
présent dans le roman comme dans le film), dans de nombreuses
scènes.
Dès
1min07, on peut voir Yi Fan se regarder dans plusieurs miroirs. Ses
multiples reflets sont révélateurs de son arrogance et des
multiples masques qu'il porte pour manipuler les autres.
Lorsque
Bei Bei vole les clés de Dai(à 19min07), ce dernier la surprend à
travers un miroir (qui joue ici le rôle du révélateur de vérité).
De
la même manière, lorsque Madame Mo interroge Bei Bei au sujet de
son amour pour Dai, c'est au travers du miroir que l'on voit sa
manipulation s'effectuer.
Lorsque
Yi Fan s'avance vers Fenyu pour rompre leur relation, il le fait avec
le sourire. Cependant quelques secondes plus tôt (à 1H22.40) ses
émotions réelles étaient révélées à travers le miroir devant
lequel il s'habillait, les yeux larmoyants puis remplies de colère
(le tout amplifié par la musique tragique d'accompagnement).
Après
avoir reçu la robe de Yi Fan (à 1H39), Madame Mo repousse un
premier miroir avant de sortir du champs de la caméra. Pendant
quelques instants, on ne voit plus que l'image tremblante de
l’intérieur de la chambre, vide, à travers le miroir (ce qui peut
montrer l'instabilité des sentiments de Mo et la solitude qu'elle
ressent sans Yi Fan). On la voit ensuite à travers le miroir du
plafond, en train de pleurer et de crier, recroquevillée sur elle
même dans son lit. Ce miroir multi facettes donne une impression de
fissure, de décomposition de l'image, et reflète donc bien la
fissure d'âme et de cœur que ressent Madame Mo.
On
retrouve également des miroirs à 46min, à 1H20.40, à 1H26... etc.
Intégration
de la culture et de l'histoire chinoise
Le
Shanghaï des années 30 est extrêmement
connu pour être une période de grand essor culturel, où l'argent
règne
et où la corruption est très commune. C'est également dans ces
années que le Japon commence à envahir la Chine (ce qui sera suivie
par la guerre sino japonaise de 1937-1945) et que le pays connaît
une guerre civile qui oppose nationalistes et communistes
(1927-1950). C'est dans ce contexte particulièrement complexe et
historiquement important que se
déroule l'histoire de Dangerous Liaisons.
On
peut voir la différence importante de richesses entre les
différentes classes sociales à plusieurs reprises. A 6min25 on peut
apercevoir des enfants affamés se balader dans les rues luxueuses de
Shanghai et, à 6min44, on peut constater le contraste énorme de
cette scène avec la quantité de nourriture présente dans le lieu
impressionnant où se déroule la soirée mondaine à laquelle
assistent les personnages. Deux mondes s'affrontent, l'injustice
règne.
On
remarque également une certaine critique de cette société où
l'argent est roi dans la scène (à 45min) où Madame Zhu refuse
catégoriquement l'amour de sa fille pour Dai car ce dernier n'est ni
puissant ni riche (contrairement à Madame de Volange, elle ne donne
pas l'impression de faire ça pour le bonheur de sa fille mais bien
pour l'argent seul), ainsi que dans la scène où Madame Mo explique
à Bei Bei que les hommes sont tous les mêmes: lorsqu'ils sont
riches et puissants ils brisent la pureté des jeunes filles (à
28min). Elle dit également que ce monde est un monde d'hommes et
qu'il est impossible d'y survivre sans porter un masque (à 24min).
Il est donc difficile de vivre sans être jugé négativement
lorsqu'on est une femme ou lorsqu'on ne possède pas de grande
richesse ou une influence importante.
On
peut voir qu'une partie de la population tente de faire changer les
choses même si cela est mal vuepar les autorités. Des militants
lancent des prospectus portant le slogan "Rendez nous notre
pays/terre" dans la salle d'opéra (à 37min) et dans la ville
(à 1H31.25). Ils manifestent également dans les rues avec des
panneaux.
Certains
aspects de l’histoire d’origine sont également supprimés pour
s’adapter à la culture chinoise. C’est la cas notamment de la
critique de la religion qui n’a pas lieu ici puisque Bei Bei n’a
pas été éduquée dans un couvent contrairement à Cécile.
Conclusion
Comme
nous l'avons vu, Dangerous Liaisons (de Jin-Ho Hur) est une
adaptation étonnamment fidèle des Liaisons Dangereuses de Pierre
Choderlos de Laclos. Bien que l'histoire est subie quelques
changements pour coller à un format plus court (film d'1H46), à une
autre culture (histoire chinoise) et à une époque plus moderne
(1931), la trame reste globalement la même exceptée pour la fin qui
change de ton (drame romantique). La personnalité des personnages
est bien travaillée; ils sont imparfaits et en cela terriblement
humains (crise de jalousie, orgueil, sentiments amoureux,
naïveté...). La société est, elle aussi, loin d'être idyllique,
ce qui amène ce film à en proposer une critique (argent roi, monde
d'hommes, injustices sociales, famine, corruption, révolution,
envahisseur japonnais...). Pour finir, nous avons également remarqué
la place importante qu'occupe certains objets (la lettre, le
téléphone, la voiture et surtout le miroir).
Les
Liaisons Dangereuses est une œuvre qui a grandement inspiré les
cinéastes (Cruel Intentions de Roger Kumble en 1999), les romanciers
(Nous sommes cruels de Camille de Peretti en 2006), les
metteurs-en-scène (un opéra épistolaire en deux actes de Claude
Prey en 1974), les chanteurs (Mylène Farmer en 1992 avec Beyond My
Control), les comédiens (sketch des Inconnus en 1989)... Son succès
est d'ailleurs toujours d'actualité, notamment en Asie, puisqu'en
2018 est sortit le drama coréen The great seducer (dont l'histoire
est finalement très éloignée de celle originale mais qui s'en
inspire tout de même).
Annyeong ~
Et hop! le sérieux de cet article est parti en un instant XD |
Have fun , Emi-chan <3
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